Dont la mémoire est célébrée le 27 octobre (dans le calendrier Julien : le 27 octobre/9 novembre)
Une mère au milieu de son peuple

Dans le froid silence de la toundra, là où les rivières serpentent à travers de vastes espaces dénudés, et où le ciel s’étend à l’infini, les habitants de l’Alaska ont toujours su que la véritable grandeur est souvent cachée. Une vraie personne – ella tanqilria, comme disent les Yup’ik – n’est pas quelqu’un qui fanfaronne ou se démarque, mais quelqu’un qui vit en harmonie avec les autres, sert discrètement et réchauffe le cœur de ceux qui l’entourent. Telle était sainte Olga Michael de Kwethluk.
Ce n’était pas une reine, ni quelqu’un d’une grande érudition, ni une leader aux yeux du monde. C’était une épouse, une mère, une sage-femme et une Matushka. Elle cousait des vêtements chauds pour ses voisins, cuisait du pain pour l’Église, prenait soin de ceux qui n’avaient personne d’autre pour s’occuper d’eux. Elle chantait des hymnes dans sa langue maternelle, le Yup’ik, et murmurait des prières en pétrissant la pâte. Elle parlait peu mais écoutait beaucoup, portant le fardeau des autres comme si c’était le sien. Elle a connu la faim, elle a connu le froid et elle a connu la souffrance. Elle n’a pourtant jamais fermé ses mains ni son cœur à ceux qui étaient dans le besoin.
C’était une femme de peu de paroles, et néanmoins sa terre et son peuple ne l’ont pas oubliée. Bien après qu’elle a quitté ce monde, elle demeure présente – non seulement dans la mémoire de ses enfants et de ses petits-enfants, mais également dans les récits de ceux qui ont été guéris, consolés et soutenus par ses prières. Les femmes qui ont souffert lui confient leur douleur, et en sa présence elles trouvent la paix. Les enfants qui n’ont personne pour les guider font appel à elle et elle se manifeste à eux dans leurs rêves. Les malades, les personnes qui traversent des épreuves et les affligés ont trouvé du réconfort grâce à sa bienveillante intercession.
Les Yup’ik disent que lorsqu’une véritable personne marche sur la terre, la terre et le ciel se souviennent d’elle. Au cours des années qui ont suivi son décès, sainte Olga s’est révélée comme une mère non seulement vertueuse pour son propre village, mais également une mère pour l’Alaska, l’Amérique et le monde entier
Ce n’était pas une femme de pouvoir à la façon dont le monde mesure le pouvoir. Son pouvoir résidait dans son amour, sa gentillesse et la chaleur envers les autres. Pour cette raison, Dieu l’a glorifiée – non pas en lui accordant de l’or ou du pouvoir, mais le plus grand honneur de tous : d’être appelée sainte par le peuple de Dieu.
Une vie ancrée dans la foi et dans l’amour
Née le 3 février 1916 (le 21 janvier du calendrier julien) dans le village de Kwethluk en Alaska, le nom Yup’ik d’Olga Michael était Arrsamquq. On l’appelait également Olinka, un diminutif russe d’Olga, reflétant le lien profond entre les Autochtones de l’Alaska et la foi orthodoxe russe qui s’était enracinée parmi eux. Elle a été élevée dans le respect des traditions de ses ancêtres, où la foi, la famille et la terre étaient inséparables.
Dès son jeune âge, elle a été initiée aux occupations traditionnelles d’une femme Yup’ik – coudre, préparer les repas, s’occuper des autres. Dans son village, la richesse ne se mesurait pas en biens matériels mais par la générosité, et Olga en était l’exemple parfait. Elle ne se contentait pas de donner, mais elle donnait du fond du cœur, sans compter et sans attendre quoi que ce soit en retour. Les anciens disaient que ses mains n’étaient jamais oisives, mais toujours en train de tisser, coudre, pétrir ou réconforter.
Elle a épousé Nicolai Michael, maître de poste du village et commerçant, qui fut plus tard ordonné prêtre et a servi à la paroisse Saint-Nicolas de Kwethluk. Comme femme de prêtre, elle a endossé le rôle de Matushka, devenant la mère non seulement de ses treize enfants mais de tout le village. Elle accueillait les épuisés, réconfortait les affligés et cousait des vêtements chauds pour ceux qui étaient dans le besoin, tout comme la vertueuse Tabitha des Écritures (Actes 9:36, 39).
La foi de sainte Olga était tissée dans la trame même de sa vie quotidienne. Elle confectionnait les prosphores pour l’Eucharistie, chantait des hymnes avec dévotion et respectait les jeûnes et les fêtes de l’Église avec une profonde ferveur. Elle n’élevait jamais la voix avec colère, se conformant ainsi à la manière traditionnelle Yup’ik d’éduquer par un exemple discret plutôt que par des paroles dures. Même si la vie dans la toundra était très difficile, elle demeurait inébranlable, paisible pilier pour son peuple.
Sa mort et les premières manifestations de sainteté
En 1978, sainte Olga fut atteinte d’un cancer. Elle supporta ses souffrances avec sérénité et foi en Dieu. Lorsque les médecins l’avisèrent qu’il n’existait aucun traitement, elle ne désespéra pas. Au contraire, elle continua de prier et de servir, accueillant chaque jour avec gratitude. Même lorsque ses forces déclinèrent, elle ne cessa jamais de prier, de chanter et de s’occuper de ceux qui l’entouraient.
Elle s’est endormie dans le Seigneur le 8 novembre 1979, chez elle, à Kwethluk, entourée de sa famille. Ses funérailles ne ressemblèrent à aucunes autres. Même si on était déjà en hiver, une chaleur soudaine et inhabituelle se répandit dans la région. La glace sur la rivière se mit à fondre, permettant aux personnes endeuillées habitant des villages lointains de venir par bateau… du jamais vu pour un mois de novembre. Des volées d’oiseaux qui auraient dû migrer vers le sud depuis longtemps apparurent dans le ciel et tournoyèrent au-dessus de la procession funéraire. Les personnes présentes avaient l’impression que toute la création était venue rendre hommage à cette femme discrète et humble.
Même morte, elle demeurait présente. Les habitants de Kwethluk, et bientôt de nombreuses personnes d’ailleurs, ont commencé à bénéficier de ses prières, de ses conseils et de ses guérisons. Des femmes qui avaient souffert lui confièrent leur souffrance et furent soulagées. Ceux qui étaient perdus sentirent sa main les guider et les aider à retrouver la foi. Les affligés étaient réconfortés par sa présence.
Ses miracles sont nombreux, et elle n’a cessé d’en faire jusqu’à aujourd’hui. On les raconte en chuchotant et avec allégresse, chacun témoignant que son amour ne s’est pas éteint avec sa vie terrestre.
L’exhumation de ses reliques
Plus de 40 ans après son décès, l’Église a confirmé ce que les Alaskiens savaient déjà au fond de leur cœur : Matushka Olga était une sainte. Le 16 novembre 2024, ses reliques ont été exhumées en présence de membres du clergé, de fidèles et de pèlerins venus de tout l’Alaska et d’ailleurs. Comme autrefois, la nature elle-même a semblé réagir à l’événement. La veille, un blizzard avait rendu impossible de voyager, mais le matin de son exhumation le ciel s’était éclairci et le vent était tombé.
Les prêtres creusèrent laborieusement la terre gelée, accompagnés par la lecture des Saints Évangiles. Lorsqu’enfin le cercueil de la sainte fut tiré de la fosse, il n’y avait aucun signe de décomposition, ni de corruption. Son fichu, celui qu’elle portait de son vivant, était intact, comme préservé par ses prières. Lorsque les fidèles pénétrèrent dans l’église pour vénérer ses reliques, leur visage était inondé de larmes de joie car la mère de Kwethluk était devenue la mère de tous les Alaskiens.
Aujourd’hui, le nom de sainte Olga est connu non seulement dans son village natal mais partout dans le monde. Des femmes qui ont souffert trouvent un refuge dans ses intercessions. Les désespérés font appel à elle et sont réconfortés. Elle est une mère pour ceux qui n’en ont pas, un réconfort pour ceux qui ont le cœur brisé et un guide pour ceux qui cherchent Dieu.
Comme le disent les Yup’ik, « Une vraie personne ne disparaît pas mais demeure dans le cœur de ceux qu’elle a aimés » : sainte Olga ne nous a pas quittés. Elle est ici, comme elle l’a toujours été, priant, veillant, guidant.
Vertueuse mère Olga de Kwethluk, Matushka de toute l’Alaska, prie Dieu pour nous!