L'Église est hiérarchique
Une réponse à Ralph Montgomery Arkush, Esq.
Par le Protopresbytre Alexander Schmemann
Suite à la tempête qu’il a élevée lors du Dixième Concile de toute l’Amérique de l’Église russe en déclarant que notre Église n’est pas hiérarchique, M. Ralph M. Arkush a publié une brochure polycopiée intitulée Notre Église est-elle hiérarchique? « À cette question, » dit-il en conclusion, « on doit répondre par la négative. La forme de notre Église est conciliaire. » Cette conclusion est appuyée sur : a) la définition du terme « hiérarchique » dans le Webster’s (pp. 1-2); b) une brève analyse de diverses formes de gouvernement depuis le Concile apostolique de Jérusalem (pp. 2-3); c) des références au Concile de Moscou de 1917-18 et au Concile de Détroit de 1924.
Si la conclusion de Mr. Arkush n’était qu’une simple « opinion privée » ou plutôt son étrange interprétation personnelle de l’histoire de l’Église, de l’ecclésiologie et du droit canon, nous pourrions, en dépit de notre total désaccord avec lui, ne pas prêter attention à sa brochure. Mais Mr. Arkush a été un certain nombre d’années un chef de file laïque de notre Église, le conseiller juridique officiel de la Métropole, le délégué orthodoxe au Conseil national des Églises, un avocat qui, en vertu de sa profession, se voit constamment confronté à la signification de la tradition orthodoxe. Tout cela fait que son cas est très sérieux. Et puisque ses vues sont partagées par plusieurs de nos laïcs, spécialement ceux qui jouent un rôle actif dans la vie de l’Église, il semble que nous faisions face à une situation véritablement sans précédent : une partie de l’Église refuse d’accepter et de confesser une doctrine qui n’a jamais été remise en question. Une chose ressort clairement de cette brochure : le temps est venu d’un éclaircissement non-équivoque quant à toute cette question.
Avant d’en venir à cette brochure, une remarque préliminaire d’importance fondamentale doit être apportée. Lorsqu’au sujet d’une « controverse entre le clergé et les laïcs », les termes « gouvernement », « administration », « autorité de contrôle » sont utilisés, ceux qui les utilisent devraient avoir à l’esprit qu’appliqués à l’Église, ces termes signifient nécessairement autre chose qu’en contexte purement séculier. L’Église n’est pas une société séculière, aussi, pour être adéquates, toutes les définitions et descriptions en ce qui concerne sa vie et son fonctionnement doivent nécessairement être transposées et adaptées à sa nature. Tout type de gouvernement doit être en adéquation avec la nature et le but de ce qu’il gouverne. Nous vivons dans une démocratie, une haute et noble doctrine de gouvernement. Mais nous savons que le principe de démocratie (« gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple ») ne peut s’appliquer partout et ce, même dans la société séculière. Il ne peut s’appliquer aux Forces armées, à l’école, à la famille. Est-il difficile de comprendre cette simple et banale vérité, à savoir qu’à plus forte raison, il ne peut s’appliquer à l’Église? L’Église n’est pas et n’a jamais été une démocratie, parce que l’Église n’est pas une institution humaine visant des buts et des objectifs humains. L’Église est une Institution divine fondée, non par des hommes mais par le Christ, recevant sa vie de Dieu et ayant un objectif spécifique : sauver les personnes en leur faisant connaître la vie de la grâce, le pardon, l’amour et la vérité par union à la vie du Christ Lui-même. Il est bien certain que l’Église a un aspect humain, une dimension humaine; cependant, cette « humanité » de l’Église n’opère pas indépendamment de son essence spirituelle, de sa racine divine, mais l’incarne, l’exprime, lui est entièrement et absolument subordonnée. Parler des deux sphères de l’Église – l’une spirituelle et l’autre matérielle – opérant indépendamment l’une de l’autre revient à faire preuve d’une complète incompréhension quant à sa nature réelle modelée sur le Christ Lui-même, Dieu fait Homme, en Qui la nature humaine s’harmonisait entièrement avec Sa nature divine en exprimant totalement Sa divinité. L’Église entière, en tous ses aspects et en toutes ses activités, en la totalité de sa vie est principalement gouvernée par le Christ, qui est la Tête de l’Église, et c’est pourquoi nous devons avec insistance rejeter l’idée même d’une « Église démocratique » et ce, malgré que nous tenions en haute estime l’idéal démocratique lorsqu’il s’agit d’une société séculière. Cependant, et pour la même raison, l’idée d’un Église « autocratique » est également erronée. Si, en contexte séculier, l’« autocratie » est la seule alternative à la « démocratie », une telle alternative ne peut tout simplement pas s’appliquer à l’Église – encore que ce soit précisément ce que M. Arkush et ceux en accord avec lui sont apparemment incapables de comprendre. L’Église est hiérarchique, ce qui signifie que le pouvoir et l’autorité dans l’Église sont toujours liés, tout comme ils en découlent, à la source ultime de sa Vie, le Christ Lui-même. Ceux qui, ayant été divinement désignés et consacrés (Sacrement de l’Ordre), exerce cette autorité ne sont pas des « autocrates » parce qu’eux-mêmes doivent être totalement et inconditionnellement subordonnés au Christ et à Son Église, à sa Tradition, ses canons, à toute sa Vérité et son Esprit. Et l’unique objectif de leur gouvernement est de maintenir l’Église dans la Vérité et d’assurer sa croissance jusqu’à la « plénitude de la stature du Christ ». Ils « gouvernent » l’Église non en raison d’un consentement personnel, mais en raison d’une désignation divine et l’Église croit qu’ayant reçu le Sacrement de l’Ordre, les « charismes » ou dons nécessaires leur ont été accordés pour exercer ce gouvernement.
Il est impossible, dans l’Église, d’exclure quoi que ce soit du domaine de ce gouvernement, de dire, par exemple, que la hiérarchie est responsable des aspects « spirituels » de la vie ecclésiale, alors que les laïcs le sont de ses aspects « matériels ». Tel qu’il l’a été dit précédemment, l’Église n’a d’autre objectif que le salut et l’édification spirituelle de ses membres. Toutes ses activités, de la plus spirituelle à la plus pratique et matérielle, sont donc intérieurement déterminées par cet objectif et en vue de son atteinte. Une « activité paroissiale » n’entretenant pas, jusqu’à un certain degré, un lien avec la tâche spirituelle de l’Église serait ipso facto étrangère à l’Église et à la paroisse, contredirait le principe même de l’Église. Prenons, par exemple, tout l’aspect des levées de fonds et du bien-être financier de la paroisse, un secteur particulièrement sujet à une brûlante controverse en ce qui a trait aux « droits » et « responsabilités ». Est-il possible de dire, comme on l’a souvent dit, qu’il s’agit d’un problème « matériel » dont les laïcs devraient s’occuper sans interférence du clergé? Le fait même que des fonds monétaires soient levés par et pour l’Église imprime à cette activité un caractère spirituel car cet argent doit être dépensé de manière conforme à l’objectif spirituel de l’Église. Mais voilà qu’on entend habituellement « c’est notre argent » et « nous ne voulons que personne en ait le contrôle ». Il s’agit là d’une autre incompréhension tragique montrant combien radicale est l’idée fausse que nous entretenons au sujet de notre Église. L’argent donné à l’Église a cessé d’être le nôtre et est devenu celui de Dieu. Il n’est pas le nôtre ni celui du prêtre – il appartient à l’Église qui, elle, ne nous appartient pas, bien que nous lui appartenions. La possibilité qui nous est offerte de faire un don à l’Église n’est pas fonction de notre mérite : elle est le plus grand privilège qui fait de nous des collaborateurs à l’œuvre de salut du Christ, ministres de Son intention. Puisque, par définition, le prêtre est le gardien et le guide de la vie religieuse paroissiale, il doit nécessairement être celui qui approuve chacune des décisions concernant l’utilisation des fonds ecclésiaux. Avoir peur qu’il utilise « notre » argent dans son intérêt personnel est une pensée qui indique le niveau moral de l’Orthodoxie dans ce pays et c’est une pensée honteuse. De deux choses l’une : ou le prêtre est le prêtre, sachant qui il est, ayant été formé en vue de remplir son ministère, sincère, illuminé et « pastoral », la peur en ce cas est superflue et doit faire place à la confiance; ou bien il est un mauvais prêtre (et il y en a toujours eu dans l’Église!) utilisant sa fonction pour s’enrichir, dérobant les fonds paroissiaux, paresseux, ignorant, égoïste et alors, il trahit sa fonction et l’Église a toutes les raisons possibles de le déposer, le privant de cette fonction qu’il a trahie et dénaturée. Mais ériger la méfiance en système légal, établir toute la vie de l’Église sur cette idée qu’on doit la « défendre » contre les prêtres, c’est caricaturer l’Église et ne pas prendre en compte sa nature réelle… Il est hors de tout doute que l’« autorité de contrôle » dans l’Église appartient à la hiérarchie. Et l’objectif commun, de même que la tâche, de tout Orthodoxe devraient être de s’assurer que les membres du clergé reçoivent une formation et une préparation spirituelle qui leur permettra d’exercer leur autorité avec la sagesse, l’expérience et la perspicacité spirituelle caractérisant un bon pasteur.
Cette incompréhension de la nature spirituelle de l’Église (le caractère spirituel ne s’opposant pas au caractère matériel mais l’incluant) est à la racine des déformations monumentales de la vérité qu’on retrouve dans la brochure de M. Arkush. C’est dommage que M. Arkush ne les ait pas vues. C’est malheureux qu’il soit aveugle au fait que sa terminologie séculière, lorsqu’appliquée à l’Église, n’est pas du tout « dans le ton », qu’elle est complètement fausse et inadéquate. Il s’agit là de la terminologie et du langage de quelqu’un qui, bien que parvenant à discerner tous les points juridiques, ne réussit pas du tout à discerner l’essence religieuse de l’Église.
La première de ces erreurs est la mise en opposition des termes « hiérarchique » et « conciliaire ». M. Arkush présente ces termes comme s’excluant mutuellement. « Hiérarchique » signifie « gouvernement ayant comme dirigeants, dans l’Église, des patriarches, des archevêques, des évêques, etc. » (Webster) et, comme dans notre Église, « l’autorité suprême législative, administrative et judiciaire est le Concile » avec la participation de laïcs, notre Église n’est pas « hiérarchique » – tel est l’argument de M. Arkush. Mais cet argument est fondé sur une conception purement juridique du Concile, une conception tout simplement incompatible avec celle concernant l’Église. Le Concile étant la manifestation de l’Église est lui-même un organe hiérarchique, c’est-à-dire qu’il reflète et exprime la structure de l’Église. Tous les membres du Concile y prennent part en fonction de leur rang et de leur statut dans l’Église : évêques en tant qu’évêques, prêtres en tant que prêtres et laïcs en tant que laïcs. Il serait absurde de penser qu’à partir du moment où le Concile est convoqué, tous ses membres perdent leur « statut » ecclésial et deviennent les « éléments », sur un pied d’égalité, d’un gouvernement abstrait ayant comme seul principe de décision la règle de la majorité.
En ce qui a trait à la participation des laïcs au Concile, il est évident qu’on en donne ici une fausse interprétation fondée sur une application erronée des principes « démocratiques » à l’Église. Leur participation signifie essentiellement qu’il leur est accordé le privilège d’exprimer leur intérêt pour l’Église, de discuter ensemble des besoins de l’Église, de concevoir de meilleures solutions à ses problèmes actuels et de prendre des décisions dans la mesure où elles sont conformes à la Tradition, ainsi qu’à la Foi de l’Église. Ce privilège est fondé sur la croyance orthodoxe voulant que personne dans l’Église n’est privé du Saint Esprit et qu’à chacun est donné l’esprit de responsabilité et de souci pour l’Église, l’esprit du service actif. Cependant, ce n’est pas fondé sur un droit juridique faisant des laïcs des « codirigeants » et « coadministrateurs » de l’Église. Le pouvoir de décision quant à savoir si l’une ou l’autre des décisions prises par le Concile est conforme à la Tradition revient à la hiérarchie et c’est en ce sens que le Concile est hiérarchique.
Par conséquent, le Concile est à la fois la manifestation d’un souci commun relativement à l’Église de la part de tous ses membres et celle de sa structure hiérarchique; c’est ce que signifie l’expression « fonctionnement conciliaire » (Sobornost) dans l’Orthodoxie. Il s’agit d’une coopération en laquelle il est donné à chaque membre d’exprimer ses vues, d’enrichir les autres en apportant son expérience personnelle, d’enseigner et d’être enseigné, de donner et de recevoir. La hiérarchie peut tirer un immense profit de cette coopération avec les laïcs, tout comme les laïcs peuvent être éclairés par elle quant aux diverses dimensions de la vie ecclésiale. Mais tout cela ne signifie pas « égalitarisme », une transformation des membres de la hiérarchie en laïcs et vice-versa. Il est malheureux, tragique même, que sous l’influence du sécularisme et du légalisme, toute l’emphase concernant notre compréhension des activités conciliaires ait été mise sur les termes « décisions » et « motions », vus comme exprimant la principale tâche du Concile, alors que sa valeur réelle repose sur cette merveilleuse occasion de faire la lumière sur l’esprit de l’Église au cours d’une discussion en commun, d’un partage autour du souci pour l’Église, d’un approfondissement de l’unité entre tous les membres de l’Église. Il est regrettable qu’au lieu de laisser l’esprit de l’Église imprégner notre vie « séculière », nous ne pouvons penser à rien de mieux que de transformer l’Église en une société séculière comportant « balance des pouvoirs », « lutte pour des droits » et « égalitarisme » pseudo-démocratique. Une fois encore, le Concile est un organe hiérarchique de l’Église, soumis en tant que tel à la structure fondamentale de l’Église et valide seulement dans la mesure où il est hiérarchique.
Tout aussi erronée est l’analyse de M. Arkush quant à la participation laïque lors des Conciles antérieurs. Selon lui, l’Église des Conciles œcuméniques non seulement a modifié la pratique de l’Église primitive (soit la participation des laïcs au « concile ») mais elle a légiféré dans une direction tout à fait opposée, à savoir que les laïcs ont été canoniquement exclus du processus d’élection des évêques et de la participation aux Conciles ecclésiaux. La pratique « primitive » a été remise en vigueur par le Concile de Moscou de 1917-18 et elle est au fondement de l’Église en Amérique. Premièrement, en ce qui concerne l’élection des évêques, il est vrai que ceux-ci étaient élus par l’église locale. Cependant, leur consécration, qui seule en a fait des évêques, était effectuée par les évêques et cette règle exprime l’ordre ontologique de l’Église. L’élection, c’est-à-dire la suggestion, la proposition, etc., émane des personnes membres de l’Église, alors que la sanction est donnée par la hiérarchie et ce principe s’applique à toute la vie de l’Église en laquelle, tel qu’énoncé par saint Ignace d’Antioche, « rien ne peut se faire sans l’évêque » (c’est-à-dire sans la sanction hiérarchique). Aucun canon n’a jamais condamné ou interdit l’élection de l’évêque par le peuple et si cette forme d’élection ne s’est pas pratiquée pendant longtemps, la raison en a été purement historique et accidentelle et non pas « canonique ». Il est grandement souhaitable de remettre en vigueur cette forme d’élection là où et lorsque ce sera possible, mais il demeure clair qu’une telle forme d’élection n’est pas la condition qui vient valider l’élection d’un évêque. Personne n’a « élu » les Apôtres et il est à tout le moins douteux que saint Paul, lorsqu’il a nommé Timothée ou Tite, ait appuyé son choix sur une élection populaire. Il est vrai que l’esprit même de plusieurs formes de gouvernements séculiers a imprégné l’Église suite à son alliance avec l’empire romain, transformant les évêques en hauts dignitaires (d’où le transfert non canonique d’évêques, l’idée d’un « cursus honorum », l’affaiblissement des liens entre l’évêque et son église, etc.), mais il est également vrai que les meilleurs évêques et la tradition réellement canonique ont toujours combattu cette transformation vue comme étant une déformation et ont demandé la restauration d’une ecclésiologie véritablement orthodoxe.
« Les canons des Conciles œcuméniques », écrit M. Arkush, « ne mentionnent pas que les laïcs ont part au gouvernement de l’Église. Au contraire, ils indiquent que l’évêque seul gouverne l’Église. » Je suis heureux que M. Arkush fasse cette affirmation claire et, quoiqu’il essaie immédiatement de remettre en question sa pertinence pour nous et notre époque, il demeure que notre Église ne connaît d’autre tradition canonique que celle, précisément, de l’époque des Conciles œcuméniques. L’Église était gouvernée par les évêques parce que ceux-ci sont les ministres du gouvernement ecclésial et s’interroger quant au caractère obligatoire actuel de ce principe ou « canon » revient à demander si l’Église est toujours l’Église. Ce que M. Arkush oublie, cependant, c’est que la participation des laïcs en façonnant la vie et les activités de l’Église, sa voix, était pleinement reconnue, même s’ils ne prenaient pas part officiellement aux conciles ecclésiaux. À ses débuts, le grand mouvement monastique était un mouvement laïque et il a eu un grand impact sur toute la vie de l’Église. Eusèbe de Dorylée était un simple laïc lorsqu’il s’est élevé contre l’enseignement hérétique de son évêque Nestorius. Les théologiens n’étaient pas nécessairement des évêques et la tradition d’une « théologie laïque » est demeurée vivante jusqu’à aujourd’hui. La participation, l’activité, le souci pour l’Église, la réflexion, la discussion, tout cela n’a jamais été refusé aux laïcs mais, au contraire, leur appartient comme étant leur droit et leur devoir.
Que le Concile de Moscou de 1917-18 ait rétablie la participation laïque au maximum de sa capacité, ainsi qu’elle ait donné aux laïcs de nouvelles possibilités de coopération avec la hiérarchie et une tâche active dans l’Église, fut vraiment un merveilleux accomplissement et ce, à un moment où la défense de l’Église en commun s’avérait être un besoin urgent. Cela mit un terme à un faux « cléricalisme », une situation où seul le clergé joue une part active dans l’Église. Fut ainsi clairement proclamé ce principe, à savoir que tous les Chrétiens sont des membres vivants et actifs de l’Église. Mais le Concile de Moscou n’a pas changé, et ne pouvait le faire, la structure fondamentale de l’Église, tel que M. Arkush semble interpréter les décisions de ce Concile. En incluant les laïcs dans le Concile – « l’autorité suprême de l’Église » –, il n’a pas changé leur statut ecclésial, il ne leur pas donné des « droits de gouverner ». La sanction finale au sein du Concile revient aux évêques et ce principe, selon le professeur Kartashoff, a été « la pierre angulaire de tout le travail du Concile » (A. Kartashoff, The Revolution and the Sobor of 1917-18, in “The Theological Thought”, Paris, 1942, pp. 88). « Toutes les décisions prises en sessions plénières », écrit le professeur Kartashoff, « étaient revues lors de sessions spéciales du Conseil des évêques et lorsqu’elles étaient rejetées par les trois quarts de l’épiscopat, elles étaient renvoyées en session plénière. Si elles n’étaient toujours pas acceptées par les évêques suite à cette révision en session plénière, elles ne devenaient pas des actes officiels du Concile. » Par conséquent, sur ce point, l’interprétation de M. Arkush est erronée. Le Concile a créé deux organes de gouvernement ecclésial, à savoir le Synode des évêques et le Conseil suprême de l’Église, et il a été clairement déclaré que les questions concernant la doctrine, le culte, l’éducation théologique, le gouvernement ecclésial et la discipline Gouvernement ecclésiastique et discipline (décision du 8 décembre 1917) relèvent de la compétence du Synode des évêques. Enfin, dans les Statuts de la paroisse (20 avril 1918), le gouvernement de la paroisse est ainsi défini : « Le recteur a la responsabilité de s’occuper de toutes les activités paroissiales. » (Ch. V. 29). Opposer le Concile de Moscou à la tradition primitive de l’Église, y voir l’émergence d’un « élément conciliaire s’opposant à l’Église hiérarchique” s’avère être une pure déformation de la vérité.
La brochure de M. Arkush a un mérite notoire : elle cristallise la question de notre problème ecclésial actuel. Y sont formulés l’interrogation et les réponses à celle-ci par la négative. Notre conviction absolue est que la Foi et la tradition orthodoxes nous obligent à y répondre d’une manière positive. L’Église est hiérarchique. Laisser coexister plus longtemps ces deux réponses qui s’excluent mutuellement serait mettre en danger le fondement même de l’Orthodoxie dans ce pays. Tous ceux qui placent l’Église, sa Vie et sa Vérité au-dessus de leurs choix et de leurs goûts personnels particuliers doivent comprendre quelle est la portée ultime de cette controverse, faire leur choix et agir en conséquence.
St. Vladimir’s Seminary Quarterly, Vol. 3, No. 4, Automne 1959, pp. 36-41